AU JOUR LE JOUR
Après quatre années passées les jeudis matins à sillonner les rues d’Ajaccio dans le cadre des ateliers de poésie citoyenne Au jour le jour, 2 restitutions des paroles récoltées dans la cité ont été proposées: le vendredi 9 septembre 2022 à Ghinghetta Vostra à la Citadelle d'Ajaccio ; et le jeudi 29 septembre aux jardins Roland Bonaparte du quartier des Jardins de l'Empereur à Ajaccio.
Extraits des arpentages ...
qu’est-ce qui vous met en colère ?
les gens qui parlent trop
tout ce qui se passe en ce moment, le covid, le masque, on sait pas ce qui se passe ; ça devient compliqué de travailler, je suis une nana plutôt tranquille, je ne me met pas souvent en colère
l’injustice
c’est tout ?
c’est déjà pas mal, l’injustice, y a de quoi faire
se moquer de moi, comment vous expliquer, prendre les gens pour des cons
le nettoyage, on nettoie pas assez
l’histoire des pigeons, celle du premier étage, tous les jours ils leurs jettent à manger, c’est l’horreur
comme nicole ; il est rentré chez moi ; il a fait caca sur le lit
mais c’était pas un gecko ?
non !... moi ce qui me met en colère, si vous passez vers 7, 8h, l’usine
une colère ? malheureusement l’irrespect et la saleté des gens !
une colère, là où j’habite, c’est mon voisin qui ronfle
les voisins, ah ouais, les crottes
et qu’est-ce qui vous met en joie, là où vous habitez ?
je suis contente d’habiter ici, il va être merveilleux notre immeuble, on va refaire les façades ; ça fait 46 ans que je vis ici, pas partir ! pas du tout, on a tout, il y a pharmacie, coiffeur, boulanger, médecin à portée de main ; là-bas, (geste vers le centre ville) ça ne m’intéresse pas… mes enfants se sont mariés
quelle joie, le soleil ! car on l’a pratiquement tous les jours…
il y a une vieille, c’est ma voisine, je lui donne des gâteaux ; elle est seule, on discute, je suis content quand je suis avec elle, j’ai perdu mes grands-parents
la proximité de tout : le côté sécurisant de connaître les gens du quartier ; la communauté
poème de la rocade !
toi, t’as envie de marcher avec des voitures à moitié vides tout autour de toi ? t’as pas envie de grands trottoirs ombragés ? d’arbres et de feuilles, t’as pas envie, dis-toi, l’été, d’un trottoir plus large qu’un haricot de rien du tout ? t’as pas, dis t’a pas envie, non ? c’est pas grand-chose ! t’as pas envie de pistes cyclables où ça roule ? de vélos avec de vraies pistes qui roulent ! des vélos, des bicyclettes et des sourires qui roulent ? t’as pas envie de bus toi aussi, des bus gratuits où tu t’assois parfois ? des bus où d’ailleurs c’est toi qui bouges pas et où c’est le bus gratuit qu’avance ? dis, t’as pas envie de bus mobiles ? t’as pas envie de bus pas immobilisés dans les ronds-points ? dis, tu crois point que ça existe une vie sans ronds points ? tu crois point que plus y aura de voies plus y aura de bagnoles et de ronds points et d’embouteillages ? en plus, tu crois pas qu’une voie royale pour un bus gratuit ou un tram gratuit ce serait pas un drame ? tu crois pas que pouvoir circuler à pied en vélo en bus ou en tram sur cette rocade c’est-à-dire avec un peu moins de voitures de bagnoles de 4,4 de 8,8 et de 64, 64 gros de gros, ben ça ferait du respect en rab pour les horaires de bus ? tu crois pas qu’un peu de fiabilité au niveau des horaires redonnerait confiance dans les transports en commun gratuits ? ah là là, me dis-tu… mais moi : à qui le dis-tu ? une voie royale, centrale, une voie réservée aux bus gratuits : et alors toi, tu le prends le bus ? non, tu le prends toujours pas le bus ? mais prends-le ! prends-le le bus ! le bus ! le bus, le bus, le bus !
TRIPTYQUE CHIMÉRIQUE
Trois textes organiques.
Trois prises à bras le corps.
Trois moments singuliers.
Trois chants.
Trois espaces.
Créations successives de ce Triptyque Chimérique dans différents lieux de SCOPA, bâtiment petite Vitesse, le 16 avril 2022, puis le 15 mai, et enfin le 12 juin.
Volonté de reprendre ce Triptyque chimérique dans un espace/temps
différent de celui de sa création.
En investissant
trois parties d’un espace
ou trois pièces d’un lieu donné
ou trois recoins d’un grenier à rêves,
idée de rapprocher ces trois opus poétiques et musicaux,
de les faire se répondre,
de les faire se parler,
de les faire se juxtaposer sur une demi-journée,
en donnant /
la sensation /
d’une traversée du temps/
singulière…
1/ CHAMBAZ
À l’aube du XIXème siècle, dès sa jeunesse, Gérard de Nerval effectue en toute souveraineté un travail de fond sur le langage et la mémoire…
De par sa fluidité, cette recherche est sans doute une des plus passionnantes menées par l’écriture au XIXème siècle en France…
Bernard Chambaz, lui, écrit aujourd’hui des livres.
La poésie est le noyau dur de son œuvre.
Son amour de Nerval se traduit par un recueil de sonnets En vrac mon petit Nerval, où malices et folies s’enjambent.
Texte en main, mais par cœur et debout, le comédien Pascal Omhovère arpente le romantisme exacerbé de Nerval
réactivé par Bernard Chambaz, et personnifie cette rencontre entre un poète du XXème et le champion de la chimère du XIXème siècle.
2/ BERTRAND
Aloysius Bertrand est quant à lui un poète méconnu de la moitié du XIXème siècle. Poète obscur, poète de la nuit, auteur de Gaspard de la nuit, sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, recueil de courts poèmes publié à titre posthume en 1842.
Un peu comme dans l’art de la chanson, prose et poésie s’allient ici d’une manière nouvelle : il n’y a plus de différence entre elles, alors que les tableaux ésotériques se suivent, nourris par le clair-obscur de la peinture de Rembrandt.
Aloysius Bertrand murmure à nos oreilles comme à celles de Baudelaire ou de Maurice Ravel.
Au fil de l’inspiration d’Aloysius, Et je me demande si je veille ou si je dors, questionne comme dans un rêve la Foire de Beaucaire, qui rassemblait, souffle un vieillard au jeune poète, avant la Révolution française, une foule considérable chaque mois de juillet ; un peu comme le Festival de théâtre d’Avignon aujourd’hui…
Jeanne Gabrielle, chanteuse infinie, relève ce défi de faire se parler ici sa poésie et ses chansons nocturnes, ainsi que ses reprises de Pétula Clark et de Barbara, et la poésie noire d’Aloysius Bertrand…
3/ BERNHARDT
Après la guerre contre l’Allemagne et la Commune de Paris, le jardin des Tuileries est en ruine mais des montgolfières d’abord captives puis libres à tous vents, se dressent et s’élèvent : le XIXème siècle s’achève en prenant son envol… Sarah Bernhardt prend des risques, elle nourrit son travail de comédienne en allant respirer là-haut, en peignant, en sculptant, en quadruplant, en quintuplant sa vie éprouvée au présent, un présent actif, construit dans une rencontre perpétuelle avec toutes les altérités…
Aborder le monde ultra sensoriel et animiste de Sarah Bernhardt constitue notre ultime pari chimérique…
Dans les nuages, texte de jeunesse, relate donc le voyage en montgolfière d’une simple chaise.
L’art de se perdre, ne plus savoir qui parle, faire fi de tout poids, s’effondrer et resurgir, c’est ce qu’expérimentent six comédiennes, texte en main : Joëlle Garcia, Isabelle Jeannot, Amélia Gutierrez, Norma Cipelli, Claire Le Boucher, Christiane Salvarelli parlent d’une seule voix alors que Sarah Bernhardt nous entraîne dans un maelström de sensations déclinées en une partition où un corps singulier prend vie.
UNE FAROUCHE LIBERTÉ
Ce travail a succédé à une lecture jouée en 2020 à SCOPA (par onze comédiennes et un comédien) de la pièce Sept minutes de l’auteur contemporain milanais Stefano Massini, -pièce relatant le combat intérieur de onze employées représentantes du personnel d’une usine de textile pour préserver ou non sept minutes de leur temps de pause quotidien-
Le vendredi 24 septembre 2021 à 19h, une partie des lecteur-trices de la distribution de la pièce Sept minutes s'est emparée d’extraits du livre d’entretiens Une Farouche liberté, dernier opus de Gisèle Halimi, paru aux éditions Grasset, livre sonnant comme « dernier témoin » du labeur intense de Gisèle Halimi, interrogée par Annick Cojean, en particulier -et comme en urgence absolue- sur la question de la condition féminine.